"POUR CREER DE NOUVEAUX ARRANGEMENTS, DE NOUVELLES FORMES OLFACTIVES, IL SUFFIT QUE VOUS PENSIEZ "EN ODEURS", COMME LE PEINTRE EN COULEURS, ET LE MUSICIEN EN SONS"
Edmond ROUDNITZKA
Musique de LULLY (1633/1687) Ballet de XERXÈS (1660)
Fils de meunier , né à Florence, une fulgurante ascension lui assura la première place de musicien Français à la Cour du Roi Louis XIV dès la seconde moitié du XVII° siècle. Il sut tirer parti des fastes de la Cour, décrits comme le Grand Théâtre du monde, conséquences des idées de grandeur de Louis XIV. Sa rencontre avec Molière entre 1660 et 1672, permit à sa musique daccompagner les ressorts essentiels de la partie théâtrale. Citons notamment leur chef duvre commun Le Bourgeois gentilhomme ( 1670 ). Après sa rupture avec Molière, et toujours pour plaire au Roi Soleil, il sexprima dans le cadre majestueux de la tragédie lyrique : Psychée en 1678 puis en 1683, avec Philippe Quinault, Phaeton où ce personnage obtient de son père le droit déclairer la terre pendant un jour |
Introduction.
Dans les années 1600, la Corporation des Compagnons de la Marjolaine était très puissante.
A cette époque, Paris, Versailles et les villes de province, nétaient pas celles que nous connaissons aujourdhui, lhygiène et les odeurs qui y régnaient nécessitaient de porter des parfums suffisamment puissants pour masquer et aseptiser lair ambiant. Dautre part la contre odeur faisait partie de la propreté, cétait un outil dans lart de lapparence. Enfin, les parfums et les huiles essentielles faisaient partie des médicaments, avec les vinaigres et les eaux de vie aromatisés, prescrits par les Médecins.
Depuis Louis XIII, et jusquau XVIII° siècle, les médecins pour se protéger des miasmes de la peste, portaient une longue robe, un chapeau à larges bords ainsi que des gants et un masque muni dun long nez rempli dherbes odorantes pour assainir lair respiré.
Compte tenu de ce contexte, le commerce des parfums prescrits et utilisés comme des antiseptiques ou des médicaments, ne pouvaient quêtre florissant.
Ainsi, la Corporation des Compagnons de la Marjolaine était particulièrement fortunée et puissante.
Dates de début dactivité des principaux parfumeurs
1533 Eau de la Reine Frères Dominicains de Florence 1650 Martial. 1650 Simon Barbe. 1650 Antoine Daquin. 1660 Jean Gallimard. 1680 Jean Chabert. 1693 Gian Paolo Feminis. 1725 Jobert. 1730 Juan Famenias Floris. 1760 James Henry Creed.1763 Gian Maria Farina. 1769 Michel Adam. 1774 Jean Louis Fargeon.1774 Paul Guillaume Dissey. 1775 Louis Toussaint Piver. 1775 Jean François Houbigant.1792 Wilhelm Mühlens. 1798 Pierre François Lubin. |
LES PARFUMEURS SOUS LOUIS XIV |
Jusquau XVII° siècle, les gantiers-apothicaires fabriquaient des parfums en utilisant des produits provenant surtout dItalie ou dEspagne ; les merciers les vendaient, mais aucun ne pouvait prétendre au titre de parfumeur.
Ce nest que sous Louis XIII, en 1614 que des lettres patentes permirent aux gantiers de se nommer et qualifier tant maistre gantiers que parfumeurs.
Puis en 1656, leur statut composé de plus de trente articles fut confirmé et enregistré par lettres patentes du roi Louis XIV.
Sous limpulsion de Colbert et grâce à la création de la Compagnie des Indes, la Parfumerie Française disposa de nombreux produits de base nouveaux, prit ainsi un essor très important, commença à construire sa réputation et faire connaître son Art.
En 1689, les gantiers-parfumeurs obtinrent le privilège de sappeler aussi poudriers.
En 1692, Abraham du Pradel donne dans son livre commode des adresses de Paris, de précieux renseignements sur les plus célèbres parfumeurs de lépoque, citons notamment:
Dans le même livre on trouve aussi quelques bonnes adresses de commerçants en parfums :
LA VIE ET L'UVRE DES PARFUMEURS |
Officina Profumi-Farmaceutica di SANTA MARIA NOVELLA
Cet établissement, situé au 16 de la Via della Scala, au cur de Florence, est lune des plus anciennes pharmacies du monde. Il fut créé vers 1221 par des Pères Dominicains, leur premier livre comptable date toutefois de 1542. Les Frères cultivaient des herbes médicinales et composaient diverses préparations pour linfirmerie de leur Couvent. Conformément à leur idéal religieux dassistance aux malades, ils distillaient des herbes et des fleurs pour obtenir des essences, des eaux parfumées, des élixirs, des savons et des crèmes afin de soigner. Ils réalisèrent ainsi de remarquables produits et leur immense renommée fut rapidement connue de tous les pays voisins et même jusquen Chine. Ces religieux furent également très encouragés et aidés ( on dirait aujourdhui : " sponsorisés " ) par , la riche famille des Médicis, passionnée de préparations alchimiques et de philtres. |
Une eau de senteur fut spécialement créée en 1533 pour Catherine de Médicis, à loccasion de son mariage avec Henri II. Ce parfum nommé " Eau de la Reine " composé dessences dagrumes est toujours fabriqué de façon artisanale à Florence, selon les recettes et méthodes du XVI° siècle. En 1725, le Dominicain Giovani Paolo Feminis établi à Cologne, reprendra la même composition et en hommage à la ville qui laccueillit, remplaça le nom dorigine par celui d " Eau de Cologne ".
La tradition situe la date de fondation officielle de cet établissement en 1612. Fra Angiolo Marchissi en fut son premier Directeur. Vers 1866, Cesare Augusto Stefani, neveu du dernier Frère de lOfficina acquit le nom, les biens et les procédés de létablissement. Depuis cette date, lofficine a conservé son nom et quatre générations de Stefani se sont succédées à sa Direction..
Au cours de la seconde moitié du 16° Siècle, sous le règne dElisabeth I°, la terrible fille dHenriVIII et dAnn Boleyn, qui fit décapiter Marie Stuart, ce fut une période daisance, de raffinement et de luxe. Tous les parfums et produits de beauté étaient importés de France ou dItalie. On rivalisait délégance et on parfumait ses vêtements, ses chaussures, ainsi que les tapisseries les rideaux et les sièges dans les Palais. Elisabeth ordonnait à chacun de ses nobles de cultiver un jardin de fleurs et dinstaller dans chaque demeure une " Chambre dAlambic " ( Still Room ), où les grandes Dames distillaient leurs essences florales et confectionnaient des pommes de senteur et des sachets pour parfumer leurs maisons.
A son retour dItalie, le Très Honorable Edward de Vere, Comte dOxford offrit à la Reine des gants parfumés et diverses autres " choses raffinées ". Elisabeth fut si fière de ces gants quelle se fit peindre en les tenant à la main. On parla longtemps du " Parfum du Comte dOxford ". Plusieurs tableaux de lépoque montrent des personnages portant à la main de petits coffrets appelés Pommandres et dans lesquels,se trouvaient des boulettes constituées par exemple de " terreau fin nettoyé et trempé 7 jours à lEau de Roses puis trituré avec du benjoin, du styrax, de lambre, de la civette et du musc ". On se préservait de la Peste en respirant fréquemment ces Pommandres.
A Londres, la rue Bucklersbury regroupait la plupart des commerces de plantes aromatiques, doù lexpression attribuée à Shakespeare : " sentant aussi bon que Bucklersbury à la cueillette des simples ".
Dès le début du 17° Siècle, le puritanisme Anglais entre dans les murs, méprisant toute forme de frivolité, impose des vêtements noirs, juste égayés dun col blanc, et interdit lusage de tous les produits de beauté, de toilette ou de senteur. Il faut attendre le milieu du 17° Siècle, pour voir réapparaître les parfums et débuter lactivité de Parfumeur. En 1663, la Duchesse de Newcastle se rendit célèbre en publiant un traité de Beauté dans lequel on remarque " une excellente poudre pour les dents avec de la brique pilée ", elle recommande également de " sépiler les sourcils et de se laver la figure avec du vitriol pour se blanchir et se faire venir une nouvelle peau ".. Malgré tout, il reste toujours en Angleterre, des relents de grande pruderie, en effet en 1770, le Parlement Anglais promulgua un Acte stipulant que :
" Toute femme ayant séduit, abusé et conduit au mariage lun des sujets de Sa Majesté au moyen dEaux de Senteur, de fards ou de cosmétiques, de tournures, de hauts talons et corsets, tombera sous le coup de la Loi qui punit les Sorcières et les femmes de mauvaise vie ; leur mariage sera déclaré nul et non avenu ".
Au 18° siècle, le meilleur " tabac parfumé " était vendu chez le parfumeur Londonien à la mode : Charles Lilly, dans le Strand, au coin de Beaufort Building. Parmi ses vertus, ce tabac " rafraîchissait la cervelle " !!.
En 1760, James Henry Creed (1710 1798), crée la Maison Creed , et sa réputation lui attira toute la Cour dAngleterre. Elle devint en particulier, le fournisseur attitré de la Reine Victoria I° : Reine de Grande-Bretagne et dIrlande (1837 1901) et Impératrice des Indes ( 1876 1901 ). En 1854, sous le parrainage de lImpératrice Eugénie, la Maison Creed ouvre son magasin à Paris. A cette occasion le parfum " Jasmin Impératrice Eugénie " est créé. LImpératrice tombe immédiatement sous le charme de cette Eau de toilette créée à son attention. A noter également que sur une idée de lImpératrice Eugénie, Creed créa un autre parfum exceptionnel : " Angélique Encens ". Au fur et à mesure du temps, cette Maison créa de nombreux et célèbres parfums, parmi lesquels, on remarque encore aujourdhui, dans sa collection " Millésime ", le merveilleux, historique et subtil parfum : " Jasmin Impératrice Eugénie ".
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Creed fut le fournisseur de Napoléon III, de lImpératrice Eugénie, de George IV, de la Reine Victoria, de la Reine Maria Christina dEspagne, de lEmpereur François Joseph et de lImpératrice Sissi dAutriche-Hongrie.
Olivier Creed, actuel Président directeur-Général de cette Maison a le privilège de perpétuer la dynastie familiale. Il succède en effet à six générations de la famille Creed : James Henry Creed ( 1760 1798 ), Henry Creed ( 1765 1837 ), Henry Creed ( 1824 1914 ), Henry Creed ( 1863 1949 ) et James Henry Creed ( 1901 1980 ).
La dynastie des Fargeon débute sous Louis XIV.
Un certain Jean Fargeon, agréé Maître-apothicaire en 1653 à Montpellier, et Apothicaire et parfumeur ordinaire de S.A.R. Mademoiselle dOrléans, profite de ses références, crée et diffuse lune des premières publicités pour les marchandises quil possède dans sa boutique appelée "Le Vase dOr vis à vis du Cheval Blanc, cest à dire dans la rue principale de Montpellier.
On remarquera sur ce document, la couronne des Fils de France et les trois fleurs de lys des Armes de Mademoiselle dOrléans. Son frère Claude, a un fils Jean qui reprend le flambeau de parfumeur de son oncle. Il fut le parfumeur de Louis XV et de toute sa Cour. Malgré cette remarquable clientèle, son entreprise fit faillite en 1778 par défaut de règlement des sommes qui lui étaient dues y compris par le Roi lui même !!. Louis XVI oublia également de régler les dettes de son prédécesseur !!. La profession de parfumeur fut officiellement reconnue sous louis XVI. Le fils de Jean Fargeon, Jean-Louis, ne manqua pas daudace ni de courage, et repris la spécialité de son père. Il fit toute sa carrière à Paris, devint le parfumeur de la Reine Marie-Antoinette dès 1773, fut reçu à la maîtrise de Parfumeur et se maria en 1774. |
Il installa ses chaudrons et alambics dans le hangar dune maison de Suresnes (92), située rue de Saint Cloud, près de la maison Seigneuriale, non loin du château de la Source occupé ensuite par lusine COTY.
Il était domicilié 11 rue du Roule, y ouvrit son magasin. Pendant la Révolution, il fournissait aux Enfants de France emprisonnés, des poudres, pommades, eaux de lavande, peignes et gants. Jusquaux premières années 1800, il est qualifié de Parfumeur du Roi et de la Cour. En 1801, il publie LArt du Parfumeur ou Traité complet de la préparation des parfums, et devint le fournisseur attitré de Napoléon I°. En 1826, sa Maison deviendra la Maison Gelle Frères, 6 Avenue de lOpéra. |
Le XVIII° siècle est celui de la parure et de lélégance ; les femmes et les hommes veulent plaire et rester jeunes. Cette préoccupation constante, entraîna une frénésie de se parfumer. Les eaux de senteur sont particulièrement en vogue et particulièrement celles aux essences fortes. Protégé par la duchesse de Charost et déjà célèbre, Jean-François Houbigant âgé de 23 ans, sinstalla en 1775, dans une modeste boutique de limmeuble situé au 19 du Faubourg Saint-Honoré, comme Maître-Gantier Parfumeur, à lenseigne A la Corbeille de Fleurs. Sa profession se trouve définie dans lAlmanach Dauphin ou Tablettes Royales du vrai nom des artistes célèbres du Royaume. Les parfumeurs sont ceux qui ont droit de faire et vendre toutes sortes de parfums, poudres, pommades, pâtes pour blanchir et nettoyer la peau, savonnettes, eau de senteur, gants, mitaines et étoffes de peau. |
Houbigant était donc à la fois parfumeur, gantier et façonnier de corbeilles de mariage, doù le célèbre motif en marqueterie de paille figurant une corbeille pleine de fleurs, définitivement associé à limage de marque de la Maison.
On rapporte quà la veille du voyage qui allait se terminer à Varennes, et pendant qu'Axel de Fersen combinait son plan, soccupait de la berline et de son déguisement de cocher, la Reine Marie Antoinette fit remplir chez Jean-François Houbigant, les flacons de son merveilleux nécessaire de toilette, de senteurs les plus suaves (parmi lesquelles lessence de violette dont elle raffolait). Cette initiative capricieuse lui joua dailleurs un bien mauvais tour.
Il fut tour à tour fournisseur de la cour de France et de Russie. Il composa notamment des décoctions de thym et de marjolaine, des huiles à la rose ou à lamande, au camphre ou au géranium pour Madame du Barry ou Ninon de Lenclos.
Epargnée par la Révolution, la maison devint le rendez-vous obligé des muscadins précurseurs des dandies, qui doivent leur surnom à leur passion du musc.
Sous lEmpire, Houbigant est le fournisseur attitré de limpératrice Josephine. Il lui prépare des parfums capiteux à base de musc et de civette qui flattent sa peau de créole, au grand déplaisir de Napoléon I° qui ne supporte que leau de Cologne !!.
Les plus fameuses compositions de cette Maison sont les suivantes : Le Bouquet de la Tsarine, Fougère Royale (1882), Le parfum Idéal (1898), Cur de Jeannette (1900), et surtout le fameux Quelques fleurs (1912).
En 1924, Houbigant crée Chéramy afin détendre sa clientèle, puis Houbigant et Chéramy se regroupent en 1956 dans le groupe Diparco qui disparaît à son tour en 1995.
© SAVOIR FAIRE DE FRANCE 2003